Retour à la base, fidèle à la réalité

Hans van Wolde, débordant d’énergie, accède à la salle par l’une des portes de grange de son restaurant Brut172, situé dans la petite ville de Reijmerstok, au sud des Pays-Bas. Sautant d’un sujet à l’autre, il nous présente sa philosophie, ses projets et l’équipe qui confèrent à ce restaurant deux étoiles Michelin son caractère unique. Chez Brut, la bonne vieille mentalité « work hard, play hard » a fait place à un état d’esprit qui consiste à comprendre la vie et à montrer qu’on a le droit de s’amuser... »

Hans van Wolde

Il a acquis une renommée culinaire avec son premier restaurant Beluga, mais depuis le documentaire dédié à la transformation d’une ancienne ferme en son nouveau restaurant, Brut172, Hans van Wolde est devenu une référence aux Pays-Bas. Avec son équipe, il a réalisé son rêve : revenir à l’essentiel et façonner ce qui compte vraiment dans la vie.

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Un petit récapitulatif

En 2018, Hans a vendu son restaurant deux étoiles Beluga afin de se lancer dans une nouvelle aventure. Inspiré par le restaurant suédois Fäviken, il a décidé de revenir à un concept plus simple. « Brut » réfère au concept brut, sans fioritures, et cela se reflète dans les plats et le restaurant lui-même. Le projet a connu sa part de revers : alors que le restaurant avait finalement relevé tous les défis financiers, techniques et réglementaires, Hans a été contraint de fermer les portes en raison de la pandémie. Hans a maintenu des contacts étroits avec son équipe jusqu’à la réouverture et l’année suivante, en 2021, Brut172 a obtenu deux étoiles Michelin. L’équipe utilise des ingrédients locaux, provenant de la région ou du jardin, et le design du restaurant repose sur seulement cinq matériaux purs : le tissu, l’acier, le bois, le béton et le verre. Malgré son côté transparent et honnête, le bâtiment évoque une atmosphère chaleureuse et accueillante qui correspond aux employés de Brut, entièrement dévoués aux clients.

Retour à la base

C’est une chose que l’on entend souvent, admet Hans, « mais je me demande souvent si les gens reviennent vraiment à l’essentiel. » Il jette un coup d’œil à son jardin, à l’arrière du domaine. « Pour moi, la base, c’est là où les choses commencent, aussi près que possible. » Cela ne signifie pas nécessairement que Hans cultive tout lui-même, ni qu’il ne s’approvisionne jamais à l’étranger pour ses ingrédients. « Ce serait de la folie : Je suis un chef et non un agriculteur. C’est pourquoi, pour moi, le concept local signifie aussi qu’il faut travailler avec des gens dans la région. » Il aborde les différents partenariats engagés avec des personnes spécialisées dans des ingrédients particuliers. « Il s’agit aussi de donner », dit Hans en souriant. « Si quelqu’un est spécialisé dans la production du beurre le plus doux, le plus crémeux et le plus savoureux, et que j’ai l’occasion de travailler avec lui pour créer un produit que nous aimons tous les deux, pourquoi ne lui laisserais-je pas l’occasion de le faire ? Si votre passion se manifeste, je vous offre volontiers le monde. »

« Si votre passion se manifeste, je vous offre volontiers le monde. »

Soixante-quarante et l’importance d’être à l’écoute

Brut172 sert la nourriture dans un rapport 60/40 : soixante pour cent de légumes et quarante pour cent de poisson et de viande. « Je ne pense pas que tout le monde doive devenir végétarien, mais je pense que ce ratio porte ses fruits. Les légumes constituent la majorité du menu, et le reste est composé de produits biologiques de grande qualité. » Le rapport 60/40 ne se limite pas uniquement à la nourriture, explique Hans. « Lorsque les gens vont au restaurant, leur expérience globale compte pour environ soixante pour cent. Et la nourriture ? Pour seulement quarante pour cent. C’est vrai ! Demandez aux gens ce qu’ils ont mangé, et ils vous diront à quel point le serveur était amusant. »

Ces exemples montrent ce qui est important, dit Hans. « Je dis toujours à tout le monde : gardez vos yeux et vos oreilles ouverts pour détecter les souhaits de vos clients mais aussi de vos employés. Qu’ont-ils en tête ? De quoi parlent-ils ? L’écoute est la clé pour découvrir ce qui fait le succès de votre entreprise. » Cela signifie qu’il faut aussi s’écouter soi-même, poursuit Hans. « J’ai passé beaucoup de temps à déterminer ce que je voulais réellement et je veux encourager les jeunes chefs à faire de même. Je leur conseille de puiser dans leur créativité intérieure et de se faire guider afin de développer leur propre approche. »

« Je ressens le besoin d’aider mon équipe à trouver le côté fanatique qui est en eux. Parce que c’est ce qui les aidera à avancer dans la vie. »

Encadrer la jeune génération

Les clients de Brut ne tarissent pas d’éloges à l’égard de l’équipe, dit Hans. « Je pense qu’ils ressentent la chaleur et l’engagement de l’équipe, ainsi que leur reconnaissance. » Cependant, il souligne que cela a un coût. « Cette génération préfère ne pas travailler trop d’heures, aime partir en vacances cinq fois par an et veut aussi manger au restaurant deux fois par semaine. Et honnêtement, je ne leur en veux pas ! Je les encourage même à le faire. C’est pourquoi chez Brut, on travaille trois jours et demi par semaine. Ces jours-là, tout le monde se donne à fond. Si je vois que quelqu’un y met du sien, s’il me montre qu’il souhaite faire partie de cette famille, je l’accueillerai à bras ouverts. »

Il s’arrête une seconde. « Vous savez, parfois, l’ancienne génération traite la jeune génération de paresseuse. Je ne pense pas qu’elle le soit. Les jeunes ont grandi à une époque différente, dans un monde différent. Je ressens le besoin de les aider à trouver le côté fanatique qui est en eux. Parce que c’est ce qui les aidera à avancer dans la vie. » Aider les autres à réussir est quelque chose de formidable, dit Hans avec enthousiasme. « Cette troisième étoile ? » Il rit. « Ce sont eux qui se chargent de la cuisine. Moi, je suis juste leur coach. »

Leçons de l’avenir

Les connaissances que Hans a acquises et qu’il met actuellement en pratique chez Brut ne sont sans doute pas innovantes. Cependant, elles préparent la voie à l’avenir. Pour son restaurant, mais surtout pour la nouvelle génération. « Je ne suis pas un grand messager », sourit Hans. « Mais je sais ce qui est important ». Il poursuit en énumérant de multiples leçons. La première : Il ne s’agit jamais de vous. Hans réitère l’importance de demander aux gens de faire ce qu’ils aiment et de les payer en conséquence. « J’aime vraiment mettre les gens en relation, et je pense qu’il est essentiel de continuer à le faire à l’avenir. Nous allons installer une serre chez Brut et j’aimerais inviter des personnes âgées à se joindre au projet et à se connecter à travers la nourriture. » « Deuxièmement », ajoute-t-il, « cet équilibre soixante-quarante ». Il souligne l’importance de la nourriture d’origine locale, car elle contribue également à la création d’une identité unique. « Si davantage de chefs le faisaient, je pense que cela serait non seulement bénéfique pour la gastronomie, mais aussi pour nous tous. » Et, finalement : « Fiez-vous à votre intuition ! Avec toute la pression des critiques en ligne et les opinions partagées à tout moment par tout le monde, cela s’avère parfois difficile, mais j’estime qu’il ne faut pas trop réfléchir dans la vie. » Il sourit malicieusement. « Il faudrait plutôt vivre sa vie. »